Cela fait longtemps que je songe à parler de Marcos Baghdatis, l’un, si ce n’est le chypriote le plus connu en France, sa « seconde patrie de cœur ». La raison de la sympathie du public français tient également à la personnalité de ce joueur de tennis. Aussi, un amateur de tennis comme moi à Chypre ne pouvait s’empêcher de parler de la plus grande personnalité de Chypre, de son plus grand sportif ! Que j’ai pu voir sur un court de tennis ici… mais sur la chaise d’arbitre pour un match d’exhibition.
Ancien n°1 junior, le Limassolien, né un… 17 juin 1985 (la raison pour laquelle j’en parle aujourd’hui) se révèle au grand public en 2006, où il atteint la finale de l’Open d’Australie, qu’il perd face à Roger Federer, ainsi que la demi-finale de Wimbledon, qu’il perd contre Nadal. Non sans avoir éliminé quelques têtes de séries au passage, bien sûr. Après une bonne année 2007, cette année 2008 est marquée par une blessure persistante à la cheville qui l’empêche de défendre ses chances : il est éliminé dès le 1er tour de Roland Garros face au modeste Simone Bolleli, puis part se faire la main sur un tournoi Challenger.
Marcos Baghdatis a suivi les courts de l’académie parisienne de Bob Brett et commence à attirer l’attention lors du tournoi des As de Tarbes, considéré comme le tournoi qui révèle les jeunes talents. Aujourd’hui, les publicitaires chypriotes utilisent l’image du « pirate », notamment pour une marque de téléphonie.
Mais le symbole ne s’arrête pas à de la publicité. L’autre « patrie de cœur » de l’actuel 25ème mondial, c’est le Liban. Son père, Christos, a fui la guerre civile libanaise pour s’installer à Chypre. Marcos naît à Limassol ; sa mère, Androula, est chypriote. Il passe une partie de son enfance à Chypre, dont il adopte la nationalité.
Régulièrement, au gré des soubresauts du pays du Cèdre (comme le mois dernier) des Libanais embarquent pour Chypre, pour y refaire leur vivre, attendre que cela se calme… ou partir vers d’autres régions. Dans les années 1980, les immigrés Libanais ont contribué à la croissance du secteur immobilier à Chypre, où ils choisirent d’investir. Lors de la guerre du Liban en 2006, Chypre a constitué une plate-forme stratégique à partir de laquelle l’Europe occidentale est venue en aide aux Libanais. L’histoire de Chypre, plus que jamais, est liée à celle de ces turbulents voisins.
L’autre aspect symbolique de Marcos Baghdatis tient au domaine… militaire. Précisément, chaque Chypriote, depuis une loi de juin 1964, soit sept mois après les premiers troubles communautaires entre Chypriotes grecs et turcs, est dans l’obligation de servir dans la Cyprus National Guard. Aujourd’hui, la durée de la conscription est de 25 mois. Tous les Chypriotes sont concernés, même si des exemptions ou des réductions de la durée du service militaire sont possibles.
Les jeunes acceptent bon gré mal gré de servir leur pays, puisque tel est leur devoir. Mais pour certains cela remet en cause des projets de vie : études ou travail, relations personnelles… Les autorités chypriotes vieillent scrupuleusement à ce que la loi soit respectée. Ainsi, un brillant Chypriote, étudiant aux Etats-Unis, s’est vu refuser le renouvellement de son passeport parce qu’il n’avait pas encore accompli son service militaire. Conséquence : retour à la maison pour faire son devoir, alors même que 5 de ses frères l’ont précédé au service militaire – mais dans ce cas, la conscription n’est que de 13 mois. A partir de 16 ans, un Chypriote est obligé de demander une permission de sortie de territoire s’il n’a pas accompli son service militaire. Pour ceux que ça intéresse, des explications plus précises sur le service militaire sont disponibles sur ce site.
Quel rapport avec Marcos Baghdatis ? Pendant qu’il s’entraînait en France ou participait à des tournois autour du Monde, il n’a pas accompli son service militaire. Il est l’une des rares exceptions à échapper au service militaire Chypriote… du moins temporairement, car il n’a jamais réclamé que cela fut définitif. Et comme le rappelait l’ancien Président Tassos Papadopoulos accueillant le jeune champion à l’aéroport de Larnaca après sa finale à l’Open d’Australie, cela durera « tant qu’il le voudra ». Traduction du langage politique : « jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite sportive…